Mais après la mort de son père et la ruine matérielle
qui s'ensuivit, sa vie ne fut alors qu'une longue lutte contre
l'adversité et la nécessité. Quoique
mêlé de très près à l'histoire
du groupe impressionniste, puisqu'il était l'ami de
tous et peignait avec les mêmes conceptions, bien qu'il
ait partagé les attaques dont ils étaient l'objet,
par malchance, il n'obtint jamais la même audience,
le même succès.
Pour lui, comme pour ses amis, la vente aux enchères
de 1875 fut une défaite. En 1878, il suppliait
Duret de lui verser pendant six mois la somme de
500 francs en échange de trente toiles.
Duret
ne put lui venir en aide que partiellement. L'art de Sisley
est fait de délicatesse et de modestie. S'il sut conserver
à ses paysages une structure, il se plia toujours aux
nécessités de son thème sans esprit systématique,
ni dogmatique, laissant libre cours à sa sensibilité.
Il travailla essentiellement dans la vallée de la
Seine
et ses environs :
Marly,
Bougival,
Louveciennes (1872-1876),
Sèvre,
Suresne,
Sait-Mammès
(1877-1882). Il se retira dans la petite ville de
Moret
où il résida jusqu'à sa mort.
En 1883,
Durand-Ruel lui consacra une grande
exposition. A partir de1885, il se rapprocha de
Monet
et adopta une palette voisine de la sienne et la "technique"
impressionniste des hachures souples. Pour Sisley,
le
ciel est la clé principale du paysage; en
cela, il se montre l'héritier de
Corot
dont il admirait les oeuvres.
Vivement affecté par le peu d'intérêt
qui lui était manifesté, Sisley devint difficile,
irritable et ombrageux. Pourtant la soif de peindre, la joie
de travailler, ne l'abandonnèrent jamais.
A sa mort seulement, on reconnut ses mérites et il
trouva le renom que toute sa vie lui avait refusé.
Au critique Tavernier,
venu l'entretenir vers la fin de sa vie il déclara
:
"C'est le ciel qui doit être
le moyen, le ciel ne peut pas être qu'un fond.
Il contribue au contraire non seulement à donner
de la profondeur par ses plans (car le ciel a des
plan comme les terrains), il donne aussi le mouvement
par sa forme, par son arrangement en rapport avec
l'effet et la composition du tableau. En est il de
plus magnifique et de plus mouvementé que celui
qui ce produit en été? Je veux parler
du ciel bleu avec ses beaux nuages blancs baladeurs.
Quel mouvement ! quelle allure, n'est-ce pas? il fait
l'effet de la vague quand on est en mer, il exalte,
il entraîne. Un autre ciel, celui-là
plus tard, le soir. Les nuages s'allongent, prennent
souvent la forme de sillages, de remous, qui semblent
immobilisés au milieu de l'atmosphère
et peu à peu disparaissent absorbés
par le soleil couchant. Celui-là est plus tendre,
plus mélancolique, il a le charme des choses
qui s'en vont et je l'aime particulièrement." |
ALFRED SISLEY |